vendredi 28 décembre 2012

Désensibilisation : un deuxième apprentissage

Désensibilisation au parapluie
En équitation éthologique, la désensibilisation consiste à faire comprendre au cheval que la bonne réponse à un stimulus inquiétant au départ est l'immobilité et non la fuite. On espère qu'ensuite le cheval restera immobile car il n'aura plus peur du stimulus en question. 

La méthode utilisée est celle du conditionnement opérant en renforcement négatif : 
  • On part d'une situation inquiétante pour le cheval mais pas suffisamment pour déclencher une réaction de fuite. Ex : Avec le parapluie fermé, face au cheval à 1m50 de lui
  • On agite un petit peu le parapluie, on sent le cheval se tendre, et on arrête avant qu'il ne bouge. On retire le stimulus désagréable (on ne sait pas dissocier désagréable d'inquiétant dans cette approche) alors que le cheval est immobile. On lui apprend ainsi : 
    • Que la bonne réponse est de rester immobile
    • Que le parapluie à 1m50 de lui en face ne mange pas
  • Et on corse progressivement. 
  • Si on va trop loin, le cheval se met à bouger, alors on garde le stimulus à la même intensité (= même mouvement et même distance) et on laisse le cheval bouger latéralement ou en marche arrière. Quand il se rend compte que son déplacement n'a aucune influence sur le stimulus le cheval propose de s'arrêter. On arrête à ce moment le stimulus et on lui enseigne donc encore que la bonne réponse c'est l'arrêt. 
Ça c'est la pratique en mode conditionnement opérant. Sauf que l'on ne travaille pas sur la simple acquisition d'un comportement comme ça serait le cas si on voulait enseigner le pas espagnol, on travaille à remplacer une réaction de peur et de fuite par une autre réaction.

On sait que la mémoire d'un évènement est associée avec un certain schéma neuronal (connexions synaptique, organisation spatiale). Le nouvel apprentissage va-t-il détruire le schéma précédent? 

En lisant le dernier livre de J-C Ameisen, on apprend que non, le nouvel apprentissage consiste en fait à apprendre à réprimer le resurgissement du souvenir de la peur. L'étude porte sur des souris dressées en conditionnement pavlovien à craindre un stimulus : un flash lumineux est associé à un évènement désagréable. On présente ensuite à ces souris le flash lumineux sans l'évènement désagréable et la souris désapprendra à avoir peur. Si une fois que la souris ne présente plus de réaction de peur, on associe de nouveau le flash lumineux à un évènement désagréable d'une autre nature que celui initialement associé au flash (il faut suivre ;) ), alors la peur resurgira immédiatement et la nouvelle association s'inscrira beaucoup plus vite dans la mémoire que la première association.
JC Ameisen conclue : 
Le souvenir ancien de la peur ne s'était pas effacé : il avait été enfoui, intact, prêt à resurgir plus vite et plus fort encore, sous une forme nouvelle.
Ces résultats sont à rapprochés de ceux sur le stress-post-traumatique comme le montre bien JC Ameisen dans son livre. 
 
Ce résultat questionne beaucoup nos pratiques de désensibilisation, sans donner de solutions évidemment, ça permet d'éclairer certaines situations comme les retours fulgurants en arrière dans la progression (ça me fait penser en particulier à Ody ou à la pie d'élo). 

Il pose aussi certaines questions : 
 
- Les réactions de peur du cheval face à des stimulus qu'il ne connait pas sont elles innées ou acquises par les expériences antérieures avec d'autres stimuli? 
- Peut on différencier des peurs acquises qui ne seraient donc pas effaçables de peurs innées sans apprentissage qui seraient elles bien effaçable car l'apprentissage de la réaction à ce stimulus serait le premier apprentissage à lui être associé?
- On sait par expérience que certains chevaux sont plus inquiets que d'autres, il semble qu'il y ait une part de génétique ou tout au moins d'épigénétique. Est ce que la désensibilisation à un grand nombre de stimuli diminue l'anxiété rémanente du cheval? 

Biblio : 
J-C Ameisen, Sur les épaules de Darwin : les battements du temps,  éditions les liens qui libèrent, chap V

Par contre, dans la biblio de JC Ameisen, je n'arrive pas à voir à quel article ce passage du livre réfère, si qq trouve, je suis preneuse!

Aucun commentaire: